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Le fleuve Littérature
19 septembre 2010

Dino BUZZATI le Magicien...

Célébrons partout, et surtout LISONS...

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... les oeuvres de cejournaliste d' Il Corriere della Sera

devenu (1906-1972) notre romancier-poète :

Dino Buzzati

*

(Tiens, mais au fait... " Pourquoi c'est beau ?")

*

... à cause du STYLE !!!

Toute son oeuvre en est "enchantée" !

*

Les mots coulent d'harmonie, telles eaux du torrent...

Les images y naissent comme fleurs sous la pluie...

Les arbres y sont naturellement des génies, les vents des esprits...

L'impression produite : indéfinissable...

Contes de fées, prosodies, proses-ondées de poésie ? ...

L'oeuvre d'un magicien animiste...

*

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Petite démonstration en III Actes...

Ses trois premiers romans...

... sa Trilogie magique...

*

Bàrnabo delle montagne (1933)

Bàrnabo des Montagnes

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(La maison des gardes forestiers de San Nicola, dans la vallée delle Grave : on s'éveille...)

    Au petit matin, la maison est déjà emplie de bruits. Est-ce qu'il va faire beau ? On ne comprend toujours pas pouquoi ce grand brouillard qui tient toute la montagne commence seulement à se dissiper.

  Molo, Durante, Montani et Fornioi sont sur le départ. Les autres reposent encore bien au chaud, et perçoivent seulement des bruits des bruits, des voix dans la cuisine. Ceux qui doivent partir se préparent sans doute le café. Ils s'affairent puis c'est de nouveau le silence. Juste à l'instant du départ, les voix montent et les grosses chaussures crissent sur le seuil. Quelques mots encore, confus. Les voix s'éloignent en direction de la forêt, avec le bruit des pas alourdis.

(extrait du chapitre VI de l'Intégrale des Romans et nouvelles, page 27, traduction de Michel Breitman)

*

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Il segreto del Bosco Vecchio (1935)

Le Secret du Bosco Vecchio

   1. Par certaines nuits calmes, quand la lune est pleine, on fait la fête dans les bois. Il est impossible d'établir avec précision la date de ces fêtes, car aucun symptôme ne se manifeste auparavant. Simplement, quelque chose de spécial et d'indéfinissable se trouve alors dans l'atmosphère. De nombreux humains, la majorité même, n'en prennent jamais conscience : ils passeront, impassibles, sur la lisière des forêts ténébreuses sans suspecter un instant ce qui se passe dans les profondeurs. C'est une question de sensibilité. Certains la possèdent de naissance, d'autres ne la posséderont jamais.

("Note" - en bas de page - extrait du chapitre XII de l'Intégrale des Romans et nouvelles, page 101, traduction de Michel Breitman)

*

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(Complice du vent Matteo, le colonel Sebastiano Procolo vient d'essayer de perdre son jeune neveu Benvenuto dans le Bosco Vecchio.

Par malheur, lui-même ne retrouve pas son chemin et doit passer la nuit dans la forêt... )

   Le colonel demeura assis, dans l'attente du jour nouveau et, pour la première fois de sa vie, il connut vraiment les rumeurs de la forêt. Cette nuit-là, il y en eut quinze que Procolo nota l'une après l'autre :

  1) grondements sourds qui semblaient par instant sortir de la terre, comme si quelque séisme se préparait ;

   2) bruissements de feuilles

   3) grincement des branches ployant sous le vent ;

    4) rumeurs des feuilles sèches sur le sol ;

   5) bruit de branches mortes, de feuilles et d'épines tombant à terre ;

   6) voix lointaine d'une eau vive ;

    7) bruit d'un grand oiseau s'enolant de temps en temps avec un grand fracas d'ailes (peut-être un coq de bruyère) ;

   8) rumeurs de quelques mammifères (écureuils ou fouines, renards ou lièvres) traversant la forêt ;

   9) passage d'insectes sur les arbres ;

   10) à de longs intervalles : bourdonnement d'un gros moustique ;

   11) bruissement, vraisemblablement d'une couleuvre ;

   12) hululement d'une chouette ;

   13) doux chant des grillons ;

   14) hurlements et plaintes d'un lointain animal inconnu, sans doute assailli par des loups ou des hiboux ;

   15) mystérieux jappements.

(extrait du chapitre XX de l'Intégrale des Romans et nouvelles, page 122, traduction de Michel Breitman)

*

Il deserto dei Tartari (1940)

Le désert des Tartares

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(Le jeune lieutenant Giovanni Drogo vient d'arriver au fort Bastiani...

Sur la terrasse, au soleil couchant, il questionne le lieutenant Morel, plus ancien dans la place...)

   Devant, lui, inondée par la lumière du couchant, la vallée s'enfonçait, devant lui, les secrets du septentrion se dévoilaient.

   Une vague pâleur avait envahi le visage de Drogo, qui regardait, pétrifié. La sentinelle voisine s'était arrêtée et un silence infini semblait être descendu avec les halos du crépuscule. Puis, sans détourner le regard, Drogo demanda :

  - Et derrière ? derrière ces roches, comment est-ce ? C'est tout comme ça, jusqu'au bout ?

  - Je n'ai jamais vu comment c'était (...) Il faut aller à la nouvelle redoute, celle qui est là-bas, au sommet de ce cône. De là, on voit toute la plaine. on dit...

  Et ici, il s'interrompit.

  - On dit ?... Qu'est-ce qu'on dit ?

  Et une inquiétude inhabituelle faisait trembler sa voix.

  " On dit que toute cette plaine n'est que cailloux, une sorte de désert, des cailloux tout blancs, paraît-il, comme s'il y avait de la neige.

  - Rien que des cailloux ? C'est tout ?

  - C'est ce qu'on dit : des cailloux et quelques marécages.

  - Mais au fond, au Nord, on doit tout de même bien voir quelque chose ?

  - En général, à l'horizon, il y a de la brume (...) Il y a les brumes du Nord qui nous empêchent de rien voir. (...)

  - Les brumes ! (...) Elles ne doivent pas rester là en permanence, l'horizon doit parfois être clair.

  - Il n'est presque jamais clair, même en hiver. Mais il y en a qui prétendent avoir vu...

  - Qui prétendent avoir vu ? Quoi donc ?

  - Ils ont rêvé, c'est sûr (...) "

(extrait du chapitre III de l'Intégrale des Romans et nouvelles, page 190, traduction de Michel Arnaud)

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(Au fort Bastiani depuis quelques années, le lieutenant Drogo fait un étrange rêve prémonitoire...

Se revoyant enfant, il assiste - depuis la fenêtre d'un palais enchanté -

au départ "dans les cieux" de son camarade Angustina, lui-même redevenu enfant...

Angustina mourra dans les neiges un peu plus tard... et surtout, ni lui ni Drogo ne verront attaquer les Tartares... )

    Les fantômes, naguère aimables, n'étaient donc pas venus jouer avec les rayons de lune, ils n'étaient pas sortis, innocentes créatures, de jardins parfumés, mais ils venaient de l'abîme.

    Les autres enfants eussent pleuré, ils eussent appelé leur mère, mais Angustina, lui, n'avait pas peur et conversait placidement avec les esprits, comme pour établir certaines modalités qu'il était nécessaire de préciser. Serrés autour de la fenêtre, semblables à une guirlande d'écume, ils se chevauchaient l'un l'autre, se poussant vers l'enfant, et celui-ci faisait oui de la tête, comme pour dire : bien, bien, tout est parfaitement d'accord. A la fin, l'esprit qui, le premier, avait aggripé l'appui de la fenêtre, peut-être était-ce le chef, fit un geste impérieux. Angustina, toujours de son air ennuyé, enjamba l'appui de la fenêtre (il semblait déjà devenu aussi léger que les fantômes) et s'assit dans le petit palanquin, croisant les jambes en grand seigneur. La grappe de fantôme se défit dans un ondoiement de voiles et le véhicule enchanté s'éleva doucement.

(extrait du chapitre XI de l'Intégrale des Romans et nouvelles, page 223, traduction de Michel Arnaud)

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L'histoire fut adaptée ultérieurement - brillamment -

par le cinéaste "intimiste" italien

Valerio Zurlini

(Eté violent, La fille à la valise, Journal intime, Le professeur)

dont ce sera la dernière réalisation...

*

On se souvient des plans crépusculaires extraordinaires

tournés dans la forteresse de Bam

(citadelle d'argile cachée dans les montagnes désertiques en Iran -

et devenue, le temps du cinéma, le "Fort Bastiano"... )

Lieu de tournage "idéal" découvert par Zurlini

elle sera soumise, deux dizaines d'années plus tard, à un violent tremblement de terre

extrêmement destructeur en vies humaines...

*

Hélàs, Vulcain se substitua aux Tartares légendaires...

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Caspar David FRIEDRICH, Voyageur au-dessus de la mer des nuages

*

[En conclusion provisoire, vous offrant ces modestes

COUPLET & REFRAIN "ELITISTES"...]

A l'heure des sinistres P.à B. (Pièges-à-Blaireaux) à 22 euros,

 

Du règne internéto-télévisqueux Despento-FoenkiNothombo-Houellebecquo-Trierweilo-Zemmourien

 

De "notre" NON-littérature gélatineuse triomphante...

 

Toujours si platement écrite, étonnamment vulgaire,

Invariablement narcisso-centrée et prétentiarde,

Insincère jusqu'en son "tire-larmes-à-Margot"

Constamment insignifiante,

 

Comme il reste doux -- et héroïque -- de découvrir

Tant de livres de (VRAIE) Littérature

Ecrits par ces artistes qui oeuvrèrent -- et oeuvrent encore -- de par le monde

A la croissance d'un si bel Arbre...

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Commentaires
D
Oui, j'ai trouvé à mon tour - Enfin ! - cette fameuse et assez longue nouvelle... dans "L'Intégrale" des oeuvres (tome II, pages 907 à 942... "Voyage aux enfers du siècle"... (Viaggio agli Inferni del secolo). C'est la dernière du recueil "Le K." publié en 1966 en Italie... Le premier chapitre est plein d'humour et d'ironie sur son beau métier de journaliste... On sent qu'on s'embarque dans un conte philosophique à la Voltaire... PAS du tout dans un récit fantastique... Le style est typiquement "de journaliste", assez relâché dans l'ensemble, mais assez séduisant tout de même... à l'opposé évidemment de la prose poétique de la Trilogie magique de ses débuts (objet de cet article)... Huit chapitres, donc : je lis encore les sept qui me manquent et te tiens au courant... Tout de même, le jugement assez négatif de votre classe m'étonne un peu... je comprends l'accablement de votre (si sympathique) prof... Ce conte a l'air certes assez passe-partout et la fin est un peu à la "Il Fanfarone" (Dino Risi) mais - malgré sa lourdasserie philosophique - n'a pas l'air si épouvantable de banalité... Si Nothomb écrivait aussi finement que ce que je lis en ce premier chapitre !!! (rires). Une fois qu'on est partis à se chamailler, hein, Christiane !!??? As-tu reçu mes courriels... et vu quelque chose apparaître sur ton site ? Bises et beau dimanche !<br /> <br /> PS : tu as raison pour "La Peau de Chagrin" : je retarde le moment où je vais finir le bouquin tellement c'est bien... Richesse stylistique infinie, humour, connaissance intime des mille aspects de "sa" société de l'après-juillet 1830, sens du fantastique...
C
D'une mauvaise foi incommensurable ! <br /> Et d'une suspicion partisane envers mon sympathique prof d'italien (qui d'ailleurs est belge et anti-Berlusconien à mort!) et fan inconditionnel comme toi de Buzzati, et tout dépité des réactions de la classe...
D
Point d'incompatibilité entre nous, chère Christiana !!! <br /> <br /> Mais j' vas 'core une fois essayer d' laisser deux ou trois commentaires par chez toi - en les enregistrant soigneusement, pour si jamais qu' comm' les aut' fois, ils "partaient" pas... et te les envoyer par courriel, à défaut... comme ça tu pourras vérifier qu'ils exist(ai)ent bien et étaient - ô combien ! - flatteurs... D'ailleurs dans les 6, il y en avait bien deux fois 3 qu' j'ai dû r'faire deux minutes après, "en double"... (avant que j'oublie ce que j'avais écrit...)<br /> <br /> Oui, c'est curieux, ton prof au cours d'Italien semble avoir trouvé l'une des seules quelques rares nouvelles un peu lourdasses de la fin de la vie de D. Buzzati... <br /> <br /> Curieux, curieux... à croire qu'"on" (faut-il y voir la main noire de Berlusconi, Prince des Ténèbres ?) souhaite - par l'amalgame "Buzzati = raté !" - vous convaincre qu'on peut se dispenser tout à fait de découvrir "Barnabo des montagnes, "Le secret du Bosco Vecchio" et "Le désert des Tartares"... et revenir - pour s'aérer en légèreté - à "Stupeur et Tremblements", qui est au moins un texte ACTUEL !!! (rires) ... Allez, j'arrête... Au fait, as-tu remarqué combien est grande ma mauvaise foi concernant not'-p'tite-marchande-de-chapiôts-rigôlôts ???)<br /> <br /> Bises et belle soirée à toi !
C
Et bien, je ne sais pas cher ami... Je suis bien triste d'être passée à côté de 5 ou 6 de tes commentaires, oui vraiment... inconsolable!<br /> Tu es le seul à me dire cela, les autres commentaires arrivent sans problème ! Cela doit venir de chez toi... ou d'une incompatibilité entre nous ? Peut-être qu'il faudrait t'envoyer Amedeo-le-dépanneur ?<br /> <br /> Bon, tu me diras pour la nouvelle" Voyage aux enfers du siècle" mais peut-être que c'est mieux en français et que je ne peux pas apprécier le style en italien ? Est-ce que le style sauverait une histoire (un peu) indigeste?<br /> <br /> Tu disais plus haut:<br /> " Pour moi le STYLE est tout ! Par ailleurs, je ne crois pas en l'existence d'un prétendu "beau" style qui soit sans âme et racheté par des ornements... Cites-nous un exemple, STP ! "<br /> <br /> Et bien il me semble que c'est le cas ici car l'histoire me semble vraiment trop "téléphonée", le symbolisme trop facile. Et pourtant cela commençait bien, cela avait l'air palpitant à souhait de découvrir une porte vers les Enfers dans les travaux du métro de Milan... Hélas, la suite s'est enlisée dans l'ennui prêchi-prêcha.<br /> <br /> Tu as raison pour "La peau de chagrin", cela me plaît car cela reste excitant jusqu'à la fin, on ne peux lâcher le livre avant d'en connaître le dénouement et on y pense encore longtemps après ! Mais n'est pas Balzac qui veut !<br /> Quant à la Dame-aux-50-bouquins, je ne reviendrai pas dessus... (... Mais avoue quand même que tu n'étais presque pas de parti-pris en ouvrant au hasard) :-) Chut...
D
Merci, Christiana, pour ce superbe compte-rendu !<br /> <br /> Il est vrai que les ultimes nouvelles de Dino Buzzati avaient pour la plupart perdu le charme de ses premiers écrits : leur beauté, leur fluidité stylistique et leur intemporanéité...<br /> <br /> Ceci dit, l'histoire en elle-même est fabuleuse (Tu as bien tort de passer à côté du genre Fantastique !!!)<br /> <br /> L'argument me fait penser à celui d'un conte d'Hoffmann... un monde semblabe au nôtre, le biseau du miroir à peine grossissant... la veine fabuliste de Buzzati dont le pessimisme a gagné du terrain à la fin de sa vie d'artiste, jusqu'à la lourdeur PARFOIS...<br /> <br /> Je ris un peu quand je lis "une certaine lourdeur typique typique de la pensée des années 60"... ces années où Tarjei Vesaas a composé ses sublimes "Palais de Glace" et "les Oiseaux"...<br /> <br /> Depuis notre aimable dispute, j'ai essayé de vérifier si je n'étais point de mauvaise foi quant aux qualités (cachées pour moi) des oeuvres de la Dame-aux-50-bouquins que tu sais... Aussi ai-je (héroïquement et en me bouchant le nez) plongé les yeux dans une page (au hasard) de son dernier opus : comme d'habitude, cela dégoulinait de niaiseries auto-satisfaites et de pensée vulgaire... J'ai reposé. <br /> <br /> J'avoue humblement préférer être "dépassé" et faire l'effort d'ingurgiter quelques passages descriptifs (superflus, au sens d'aujourd'hui) qui plombent "les Chouans" ou "la Peau de Chagrin" de Balzac (autant de "vieilleries" charmantes !) que de me compromettre un seul instant dans la fréquentation - même modérée - de certaines vaines "gloires" médiatisées actuelles...<br /> <br /> Bon, je vais lire "Viaggio agli inferni del secolo" (Voyage aux enfers du siècle) : peut-être je penserai comme vos dix-sept étudiants (argument d'autorité du nombre), peut-être pas tout à fait, qui sait...<br /> <br /> Amitié à toi !!!<br /> <br /> PS : Grrrrr... je n'arrive plus à laisser un seul commentaire sur ton beau site... J'en ai écrit 5 ou 6... ça n'enregistrait jamais... j'ai abandonné ! Dis-moi ce qu'il faudrait faire...
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